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Journal — Matnik

Si je suis un peu barjo comme une greluche sous acide quand j’en parle à tout le monde c’est parce que ça faisait bien longtemps que mon palpitant s’était pas autant affolé de joie en allant quelque part. Bien sûr, je ne suis pas un lapin de six semaines, je sais bien que même si ça a tout l’air d’être le paradis, la Martinique, ça n’est pas que le soleil, le rhum et la plage, merci.


Mais tout de même, ma bonne dame, quand après avoir donné quatre jours de formation méga-intenses aux futures Presses Universitaires des Antilles, après avoir tellement taffé, stressé, essayé de faire en sorte que tout soit le mieux possible, dormi 2h par nuit dans ma petite chambre du Crous en regardant les infos de la métropole qui passent en boucle — pourquoi est-ce que les Martiniquais seraient intéressés par ce qui se passe à Lille ou Toulon, ça reste un mystère pour moi —, après avoir parlé pendant 4 jours d’Indesign, d’édition, d’epub, de bouquins, de mise en pages, après avoir exploré le labyrinthe de la BU, les rues de Schoelcher avec ses whatmille chats errants au bord de la mer et ses restos pieds dans le sable, après avoir goûté à la chaleur d’un accueil antillais aussi formidable que ce que je pouvais imaginer — cette phrase va finir un jour, je vous le promets —, quand après tout ça je débarque tranquillou sur le ponton d’Anse à l’Âne avec mon sac à dos, mes lunettes de soleil et ma bouteille d’eau qui pique, claro que je me dis merci l’hiver à Toulouse, bonjour l’hiver en Martinique mes amis. Certes, à ma droite, il y a le bateau-ville qui dégorge sans retenue ses flots de touristes, retenus prisonniers volontaires sur leurs balcons de mer, mais en face, pleins feux sur l’horizon, ce sont les plages, les montagnes, les palmiers, l’eau des mille bleus qui n’en finissent pas de scintiller ; devant ça sent le sel, ça chauffe, ça tourbillonne, et le chef des tickets du bateau-navette vient me parler comme si j’étais sa pote. Je ne le détrompe pas. Je fais semblant de savoir des choses d’ici, pour rire, pour voir ce qui se passe, je parle du bar Chez Fredo, où je n’ai jamais mis les pieds mais dont on m’a parlé, et c’est le point de départ d’une conversation hallucinante qui finit par « Mais toi, t’as trouvé ton âme sœur ? Parce que peut-être que c’est moi… » Je le détrompe.
Quand ma potesse Juju débarque, attention les retrouvailles, je suis bien loin de m’imaginer les quelques jours de folie qui vont suivre. Ma copine toute bronzée, qui vit là depuis deux piges et qui me fait marrer en diab’ ! On fait défiler la route, ça tourne jusqu’au Diamant qui a installé tranquillement son rocher au milieu de l’océan, majestueux. Pépouze. Fait chaud.
Par quoi on commence ? Petite Anse ?
Le premier soir ? Dans l’ordre ? Aller pêcher sur un ponton la nuit et se trouver face à deux bicraveurs de zeub from Sainte-Lucie qui se sont fait poser un lapin ? Ça pleut un peu, on pêche nada, on boit du Cointreau avec notre poids en glaçons, du rhum et de la bière, on se marre. L’aventure c’est l’aventure. J’arrive pas à lancer c’te ligne à plus de trois mètres, j’emmêle tout, je fais des nœuds, je pêche l’autre canne, c’est n’importe quoi, vous imaginez bien.
Mais avant ça, qu’est-ce qui frappe d’emblée ? La gentillesse et le sourire du gars génial qui partage la vie de ma potesse, rastaman joueur de tennis pêcheur d’oursins enjoyeur de life ? La maison du bonheur avec son salon dans le jardin ? Le p’tit chat qui cavale derrière les papillons ? Les lézards qui se camouflent ? Les voisins qui sont pas contents parce qu’on fait du bruit et qui en font plus que nous ?  Les voisins, quel que soit l’endroit, ça change pas, faut toujours qu’ils nous les brisent, c’est connu.
Bizarre, difficile de se dire qu’ici « c’est la France »… Version améliorée alors.



Ça chill. Soudain, je me retrouve à faire de l’aquagym à 10h du matin, la tête dans un petit brouillard. Vas-y, va faire du kickboxing sous l’eau, tu m’en diras des nouvelles, tu me diras si tu flottes sur tes deux frites roses. Je coule petit à petit. Merci Juju. « Oh là là mais Roxou l’eau est froide ! »… Juju, Juju, Juju, cette eau est plus chaude que celle de ma douche, damn. Je vous jure…
Et puis voilà, on se retrouve sur une plage à l’autre bout de l’île, au nord, au Carbet, les pieds dans le sable noir, les oreilles ambiancées d’électro.
Je découvre la vraie taille de mes plantes en pot. Me v’là lilliputienne face à l’immense végétation. C’est verdoyant, ça pullule, ça éclate de couleurs, monde magique des motifs infinis de la nature. J’en prends plein les mirettes mes cocos.
Et puis on avance dans le temps, ça file vite, les nuits sous les étoiles, pas les mêmes qu’ici, ça déplie l’imagination, ça s’aventure hors de notre galaxie, et tac tac, on se retrouve dans un concert de reggae qui badaboum sévère, avec des grosses babasses, avec toute la chaleur d’un peuple qui chante d’une seule voix en faisant flotter dans les airs des drapeaux rouge-jaune-vert.
Dans tout ça, on se poile sévère. Beaucoup, beaucoup.

Je suis contente comme une gamine parce que je comprends quatre mots de créole, je bois des ti punch comme du petit lait, j’essaye de comprendre ce qui s’agite si bien sous les gestes et les regards, je ne me sens jamais aussi bien à ma place que dans cette ambiance chaloupée où l’on te parle directement, où l’on te tutoie, où la vie « a l’air » d’être un long fleuve tranquille, dans laquelle on fait des grillades de poissons-chirurgiens et des cônes de fumée.
Comme ça ne dure pas, on le sait bien, la vie n’est pas que chaleur et bonheur, alors chaque seconde qui passe est une seconde gagnée sur le reste, sur le négatif, la tristesse, que sais-je. Sur ce qui suivra forcément un jour.
Là-bas, j’ai fait mes petites réserves de bonheur, en quelques jours.

Comme dirait Céline (Dion )(j’ai pas honte)(j’assume totalement)
« Je veux des cocotiers des plages
Et des palmiers sous le vent
Le feu du soleil au visage
Et le bleu des océans »

Rendez-vous bientôt ma Juju, comme dirait ce bon vieux Schwarzie : I’ll be back.